La Vérité et ses interprétations

La Vérité et ses interprétations
« La civilisation occidentale découle en grande partie de l’autorité de Dieu. On dit : ‘‘c’est ainsi’’, parce que cela vient d’une certaine autorité. Ainsi, l’autorité est la vérité. En Orient, l’autorité n’a jamais été la vérité. La vérité est la seule autorité. C’est pourquoi tout le monde est toujours en quête. Des entités divines sont venues et ont parlé. Nous nous inclinons devant elles, avec respect. Mais nous devons chercher notre propre vérité, car ce n’est pas une vérité pour nous. Krishna dit quelque chose et cela peut bien être la vérité ultime, mais ce n’est pas une vérité pour nous, parce que nous ne l’avons pas expérimentée. Telle est l’approche de l’Orient : la vérité est la seule autorité. Peu importe que ce soit Dieu qui le dise, un gourou qui le dise, ou n’importe qui d’autre. Nous respectons tout cela, mais nous devons en faire l’expérience. Car tant que ce n’est pas le cas, ce n’est pas vrai pour nous. Voilà la différence fondamentale. En Occident, l’autorité est la vérité. En Orient, la vérité est la seule autorité. Ce sont deux façons totalement différentes d’aborder la chose. »

— Sadhguru

Nous avons tendance à croire que nos expériences spirituelles parlent d’elles-mêmes, comme si elles portaient un message clair, un sens qui se transmettrait indépendamment de notre façon de l’interpréter.
Mais c’est oublier que celles-ci se contentent de révéler, directement, ce qui est — sans en dire un mot.
Ce qui « parle », c’est ce que l’on fait de ces expériences, l’histoire qu’on en raconte.
Tout cela passe nécessairement par l’interprétation.

Ce que nous vivons, ce qui nous est montré, est universel, mais la manière dont nous comprenons et expliquons ces expériences est relative — elle dépend de notre époque, de notre culture, de notre langue, des symboles dont on dispose pour leur donner forme.
Une même expérience subjective peut devenir un ange, un archétype, une énergie, un chakra, ou un simple phénomène neurologique — selon le système de pensée dans lequel elle se dépose.

C’est pourquoi toutes les traditions ont décrit la même chose avec des mots différents : Dieu, Brahman, Tao, Vide, Soi, Conscience, champ quantique…
Elles ont mis des images, dressé des systèmes de représentation sur une même réalité qui les dépasse toutes.

Et c’est précisément lorsque l’on oublie cela — lorsque l’on confond l’interprétation avec l’expérience — que naissent le dogmatisme et les guerres de religion, car cela nous laisse alors croire que notre interprétation est la seule valable.
Nous faisons ainsi du symbole la vérité plutôt qu’un simple moyen de la pointer du doigt.

L’expérience est universelle, mais son sens et sa formulation sont relatifs.

Voilà pourquoi personne ne peut nous expliquer ce que l’on vit : seule notre intériorité est capable de faire la part des choses.
Autrement dit, ce n’est pas notre interprétation qui fait l’expérience, c’est l’expérience qui cherche un langage pour se dire.
Alors il n’y a que notre propre intimité — notre propre rapport au réel — qui puisse nous conduire là où les interprétations, les images et les concepts ne peuvent se rendre.

C’est seulement depuis ce silence, depuis cette expérience directe qui ne saurait être traduite, que l’on peut finalement commencer à rendre compte de ce que l’on vit dans des termes qui nous sont propres et qui sont pertinents pour nous.
Tous ceux qui proviennent de l’extérieur sont certes intéressants, et ils peuvent nous aider à nous rendre dans nos propres profondeurs ; mais, ultimement, c’est à nous-mêmes que nous devons nous remettre pour pouvoir véritablement les sonder.