La Grande Symphonie

La Grande Symphonie

L’existence est à l’image d’une grande symphonie, jouée par elle-même et pour le simple plaisir d’entendre ses propres notes.
Elle ne s’attache à aucune d’entre elles, mais dépend de chacune pour se donner corps ; elle tire son sens de la précédente, se dirige vers la suivante, et pourtant, elle n’en a jamais été une autre que celle dont elle se fait présentement grâce.
Son rythme ralentit, s’accélère, se condense, s’expand, et parfois se retient ; mais jamais elle ne peut s’y soustraire.
Elle s’y promène simplement, librement, en usant de son chant, flânant au-dessus en passant d’une peine à une extase et laissant ainsi les deux se confondre dans la joie — telle est l’émotion d’une éternité se succédant à une autre.
Elle compose ses formes pour se mettre à y danser et leur permet alors de s’imprégner du calme et de la chaleur de son fond ; s’envolant, retombant, puis s’envolant à nouveau dans un geste dont la perfection ne se laisserait trahir, ni par un commencement… ni par une fin.
Elle n’est là que sa propre inexprimable expression : sa science ne contient aucune équation, son langage ne saurait avoir de traducteur assez rigoureux, sa poésie ne pourrait connaître de poète assez sensible, sa mélodie ne peut rencontrer de musicien assez possédé par son Art, et l’amour qui la borde n’a d’égal aucun amoureux.
Tous ceux-là ne sont de toute façon que les cordes, les vents et les voix vibrantes du suprême orchestre dont elle se joue, en s’en faisant l’instrument, le chef et l’innocent témoin.